Une transmission d’entreprise qui se fait sans prise de risque du vendeur est de plus en plus rare. Du coup, il est essentiel, pour le vendeur, de croire dans la succession que l’on met en place. C’est l’un des messages clés délivrés par Jacques Métrailler, directeur du Centre de cautionnement et de financement du Canton du Valais (CCF), lors d’une conférence consacrée aux enjeux de la transmission d’une PME.
Avec actuellement environ 193 millions de francs d’engagements en faveur de près de 500 entreprises, le CCF intervient à tous les stades de vie d’une entreprise, de la création à la succession. Et Jacques Métrailler a pu constater une réalité : chaque cas est unique, avec ses multiples vérités.
L’importance de la personnalité de l’entrepreneur
Pour le directeur du CCF, le succès d’une entreprise repose avant tout sur la personnalité de son créateur. « La persévérance de l’entrepreneur fait la différence, davantage que le produit commercialisé par l’entreprise. Le comment est plus important que le quoi », souligne-t-il. Mais ce qui constitue un atout lors de la création peut devenir un obstacle lors de la transmission.
En phase de succession, cette personnalité forte doit être atténuée. « Il s’agit de bien réfléchir et d’organiser son entreprise pour qu’elle fonctionne sans le propriétaire. Sinon, il y aura une décote de la valeur lors de la succession », avertit Jacques Métrailler. L’enjeu est de mettre en place les conditions-cadres les plus optimales possibles pour l’entreprise, et ce travail ne se fait pas en quelques mois.
Savoir descendre du train au bon moment
Autre constat partagé par le directeur du CCF : dès 50-55 ans, les entrepreneurs osent moins prendre de risques et lèvent souvent le pied. Or, la succession arrive précisément à ce moment-là, ce qui n’est pas idéal. « Il faut savoir faire belle la mariée ou le marié », insiste-t-il. Fréquemment, des entreprises ne trouvent pas de succession simplement parce que l’opportunité n’a pas été saisie au bon moment.
Jacques Métrailler met également en garde contre une perception biaisée du patrimoine. « Souvent, le propriétaire estime la valeur de son entreprise au-dessus de ce que perçoit le marché. Il considère son bien comme inestimable », observe-t-il. Pourtant, la réalité du terrain montre qu’une valeur de 3 à 5 fois le cash flow semble être le prix juste. Il faut donc se méfier de certaines évaluations, souvent faites à la hausse.
Le vendeur, premier financeur de la reprise
Dans le cadre d’une succession d’entreprise, les principaux financeurs sont le vendeur et le repreneur. « Avant, c’était différent. Aujourd’hui, le vendeur doit croire à la succession qu’il met en place », explique Jacques Métrailler. Cette réalité implique que le vendeur accepte de prendre un risque financier, généralement en accordant un crédit au repreneur.
Le directeur du CCF insiste également sur l’importance de la transparence financière. « Certains vendeurs ne remettent pas les éléments financiers. Ce n’est pas une bonne idée si on veut une collaboration entre repreneur et propriétaire », note-t-il. Les informations essentielles à analyser incluent la marge, le chiffre d’affaires récurrent, les salaires, les liquidités, l’équipe, l’outil de production, les baux à loyer et les stocks.
S’adapter aux nouvelles générations
La succession nécessite aussi de prendre conscience que la nouvelle génération travaille différemment. « La place du travail est différente. Les nouvelles générations se définissent moins par le travail qu’avant », constate Jacques Métrailler. Il faut être conscient de ce changement et paramétrer son entreprise en fonction.
Autre réalité à accepter : toutes les entreprises ne sont pas forcément vendables, et certaines se transmettent sans montant. « C’est toutefois normal que certaines entreprises s’arrêtent », admet le directeur du CCF. Un repreneur ne sera en effet pas disposé à payer pour un simple travail. L’entreprise doit avoir une valeur supérieure à celle d’un salaire à la fin du mois.
L’importance du business plan et des soutiens publics
Jacques Métrailler souligne l’importance du business plan de l’acquéreur, notamment pour garantir la situation et la suite de l’entreprise. Il invite également les vendeurs à inverser leur point de vue et à se mettre à la place de l’acquéreur. « Il est important de connaître ses faiblesses lorsque l’on vend. Cela prouve que l’on a tout bien analysé », conseille-t-il.
Le CCF peut apporter différents types de soutiens : cautionnements, prêts, et dans quelques cas, des co-financements. Mais au-delà de l’appui financier, le rôle du CCF consiste surtout à poser les bonnes questions et à analyser la cohérence globale du dossier. « Les entrepreneurs connaissent beaucoup mieux les réponses que nous. Notre plus-value, c’est d’analyser la cohérence du tout », résume Jacques Métrailler.
Enfin, le directeur du CCF rappelle une réalité souvent difficile à accepter : « Cela ne marche pas forcément du premier coup. Très souvent, ce n’est pas le premier essai qui fonctionne. Il faut remettre souvent l’ouvrage sur le métier ». La transmission d’entreprise est un processus qui demande patience, lucidité et capacité à lâcher prise.
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